La musique ? Un « Art mineur » prétendait Gainsbourg. Pas tant que ça, finalement. Il existe des chansons qui vous changent un monde et des attitudes qui savent malmener un public jusque là apathique. Car, indéniablement, la musique est un engagement, tant pour ses spectateurs que pour ses auteurs. Et cette année, Rock en Seine prouve que le style dépasse une fois encore sa fonction initiale pour devenir plus que tout… un état d’esprit.

Les agitateurs de conscience ont toujours été omniprésents dans la musique. Chacun à leur manière, ils se sont transformés en témoin des époques traversées. On ne parlait pas alors de stratégies, de marketing, d’opportunisme marchand. Non. Les chants et les actions de ces pythies ont provoqué malgré eux un éveil, des dates clés pour historiens, des repères dans nos vies. Car, et ce avant tout le monde, les musiciens ont toujours su cristalliser les doutes de leurs contemporains. Pour preuve, citons au hasard Sam Cooke et son « A Change is Gonna Come », le « Blowin’ in the Wind » de Bob Dylan, le « What’s Going On » de Marvin Gaye, le « Born in the U.S.A. » de Bruce Springsteen ou encore le « Ohio » de Neil Young. La liste est longue... Même à l’heure actuelle.

Il y a tout d’abord ceux qui utilisent leurs textes comme autant de salves à l’étendard libertaire. Du hors piste savamment dosé qui, au fond, n’est pas si habituel qu’il n’y parait. Et qui mieux que
Rage Against The Machine pour ouvrir le bal ? Précurseur de l’amnistie rap et métal, le combo a multiplié les prises de paroles face aux injustices. R.E.M est parvenu, quant à lui, à devenir à la fois l’un des groupes les plus progressistes de sa génération et celui le plus politiquement correct, alternant les aides humanitaires et environnementales au grès des tubes populaires. Mixe Master Mike a participé avec les Beasties Boys à des manifestations pour les Droits de l’Homme, tandis que Justice a voulu dénoncer les stéréotypes banlieusards à travers un brûlot médiatiquement voyeuriste dans son clip « Stress ». Le Dj Wax Tailor, en plus de son projet militant Breathing under Water, rappelle par son nom, son combat quotidien de « tailleur de cire », utilisant exclusivement des vinyles dans ses créations. Enfin, Serj Tankian a monté son propre label pour mettre en valeur la scène alternative et s’oppose régulièrement aux guerres et aux génocides.

Mais il n’y a pas que les paroles qui peuvent s’élever contre les institutions et les codes établis. L’attitude le peut aussi. Et dans ce domaine, le langage du corps renseigne parfois plus qu’il n’en dit. Tricky est de ceux là, de son passage en prison à 17 ans en passant par ses multiples origines (Jamaïque, Espagne, Angleterre, Asie, Amérindiens) jusqu’à ses concerts où l’artiste peut décider d’écourter son set ou de chanter de dos.
Amy Winehouse sait également jouer les têtes brûlées, collectionnant la Une des tabloïds tout en critiquant savamment les arcanes des relations amoureuses et de l’industrie musicale. The Roots brouille les pistes hip-hop et fait intervenir sur scène des instrumentistes et des samples de leur propre musique jouée en studio. Les Kaiser Chiefs, eux,  n’avaient qu’un rêve : détourner le système pour pouvoir rentrer gratuitement au festival de Leeds en Angleterre. Monter un groupe a été leur meilleure réponse. Autre exemple, si The Raconteurs est moins sulfureux que son taulier, les White Stripes ont intitulé leur 2ème opus du nom d’un mouvement néerlandais qui prône la purification radicale de l’art. Enfin, Jon Spencer réhabilite les incantations « Oh Yeah ! Let’s play the Blues », tandis que The Streets joue les précurseurs et médiatise le quotidien des prolétaires britanniques (Chavs).

Au fond, qu’ont-ils tous en commun ? La sueur au front. L’implication. Un état de révolte permanent. Un parcours marginal et des textes sortant des tripes. Mieux, le sentiment brut de la colère ou des états d’âme canalisé par une musique évocatrice. Plus un passage à l’âge adulte qu’à l’acte, cette libération apparaît surtout comme un élan d’indépendance indéniable. Chez eux, comme chez l’auditeur, c’est une manière inimitable de vivre son époque en contemporain et d'avoir pleinement conscience de ses choix actuels ou futurs. Et si ces prises de positions et attitudes divisent, en amusent certains, en exaspèrent les autres, tout le monde s’entendra à l’inverse sur l’intensité que cela donne au set. Car de chaque show, il en résulte un moment rare, palpable et indélébile. Une leçon qui se vit en live. Pas autrement. D'où la mission de ce blog de vous tenir au courant heure par heure des hostilités à travers des comptes-rendus de concerts, des interviews et des anecdotes en direct des coulisses.

La musique s’est créée ainsi : contre les dogmes parentaux, sociétaux ou culturels. C’est l’expression d’une liberté, enfouie ou non en chacun de nous et qui ne demande qu’à être réveillée. Engagez-vous, qu’ils disaient, et rejoignez donc dès à présent les rangs du domaine national de Saint Cloud. A ceux qui se souviennent de la petite culotte de PJ Harvey en 2003, de Beck et ses marionnettes en 2005, ou des pogos boueux de The Hives en
2007 , Rock en Seine réserve encore de belles et indéfectibles surprises… histoire de se sentir, encore et plus que tout, vivant et unique. Rien que ça.

Bon festival !

 

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